Hélène Marty, professeure de théâtre de Karim Leklou, César du meilleur acteur

Hélène Marty a été professeure de théâtre de Karim Leklou, César du meilleur acteur. Aujourd’hui, professeure de théâtre à la Fabrique des Arts à Carcassonne, Hélène Marty a enseigné au Cours Florent à Paris et a eu comme élève, Karim Leklou. Récompensé le 28 février 2025, en remportant le César du meilleur acteur pour sa performance dans "Le Roman de Jim", il cite souvent Hélène Marty dans ses interviews. Entretien.

 

"Il m’a dit que je lui avais donné le plaisir de jouer"

 

En tant qu’ancien professeure de Karim Leklou, comment avez-vous vécu cette consécration avec un César du meilleur acteur ?

 

Je suis ravie et je peux dire que j’ai été très émue vendredi soir. Son discours sur la gentillesse lui ressemble et était très émouvant. On l’a senti très sincère, il était reconnaissant. Et je trouve que c’est très mérité. Il a fait jusqu’ici plutôt des films d’auteur et il déploie une palette de jeu très large. Et son dernier film, "Le Roman de Jim", que j’ai adoré, est un très bon film qui raconte un sujet universel.

 

Comment s’est faite votre rencontre avec Karim ?

 

En 2006, il a déboulé dans mon cours en me demandant s’il restait des places. C’était des cours du soir au Cours Florent, il travaillait la journée pour les payer. Il avait fait une première année au cours mais il n’était pas satisfait et a frappé à mon cours. Je me souviens d’un garçon avec beaucoup d’humour et un gros appétit (sic).

 

Quel genre d’élève est-il ?

 

C’est un garçon qui travaillait beaucoup mais qui n’était pas très à l’aise avec son corps. Il n’avait pas conscience de ce qu’il dégageait. Il n’avait pas un physique à la mode mais il y avait quelque chose qui transparaissait avec ce corps imposant. Je l’ai d’ailleurs fait travailler sur le corps pour qu’il conscientise. Il me disait : "je ne sais pas quoi faire de mes mains"

Comment ?

 

Je me souviens que nous avons travaillé "Horace" de Corneille et notamment cette scène violente entre les deux frères. Il faisait le méchant et je l’ai fait répéter au sol pour faire ressortir la force qu’il a en lui. Il est capable d’une grande douceur dans son jeu et peut aussi paraître dangereux. C’est un fin observateur comme doivent l’être les acteurs.

 

L’avez-vous revu depuis Paris ?

 

"J’avais été contacté par une journaliste de "Libé" en 2021 et j’ai appris qu’il parlait de moi dans des interviews. J’avais beaucoup aimé son premier long métrage "Coup de chaud", mais je n’avais pas ses coordonnées. J’ai appris qu’il venait à Carcassonne pour le Festival International du Film Politique. J’ai réussi à le recontacter en lui disant que j’aimerais le voir. Je suis allée à la projection de "Pour la France" et à la fin de la projection il est venu sur scène avec le réalisateur pour répondre aux questions. Le réal lui a passé la parole. Et il a enchainé en disant qu’il voulait parler de quelqu’un qui avait compté dans son parcours et il m’a cité en disant que je lui avais donné "le plaisir de jouer". Et il m’a demandé de venir sur scène. J’étais particulièrement gênée en montant sur scène sous les applaudissements."

 

Et qu’avez-vous ressenti ?

 

Il m’a pris dans ses bras. On a ensuite discuté avec le réal qui m’a dit : "vous avez été importante pour lui". Ce moment m’a énormément émue. Il est aujourd’hui au sommet mais je dois dire que quand je pense à lui, c’est sa gentillesse qui me revient. Il est vraiment comme cela. Il m’a dit : "Tu mettais tout le monde au même niveau dans tes cours." Quand je lui envoyé un sms pour "Le Roman de Jim", il m’a téléphoné et m’a dit qu’il se souvenait de mes mots : que jouer est une histoire sérieuse mais que tout cela n’est pas très grave. Et que cela l’avait aidé pour la suite.